La
maladie de Alzheimer
Ateliers
d’art thérapie, 2014, 'Alzheimer' à GERONDICAP,
domaine du Mérantais, Magny les Hameaux, Pôle médico-social,
Saint Quentin en Yvelines.
PHOTOS
DE FBO
Par Fatema Binet Ouakka, artiste peintre, membre du CNFAP
Mon but premier fut, au-delà des questions éthiques
essentielles (accepter le choix des malades, tenir compte des
limites de chacun, défendre l’intégrité
de l’identité de chaque individu), de définir
le plus rapidement possible les angoisses des individus présents
et les possibles résistances afin d’établir
une relation de confiance qui rassure, de prendre du temps pour
dialoguer et nourrir les échanges.
Ces ateliers permettent une autre forme d’expression que
la parole. 'Parler' avec des formes et des couleurs est une
autre façon de se parler à soi, mais aussi aux
autres. C’est se dire ce que l’on ne s’est
jamais dit, et, dans le cas présent, de partir en voyage
dans des souvenirs et d’explorer son propre inconscient.
Le travail sur les souvenirs peut revêtir des formes très
concrètes comme la reconnaissance de légumes par
le biais du goût et de l’odeur.
L’agencement de ces formes et de ces couleurs sur la toile
permet à chacun d’entrer dans son propre territoire,
et de glisser d’un plan à un autre.
Deux semaines plus tard, les légumes ont séché,
et, sur la toile, des couleurs sont associées aux légumes,
soit par ressemblance, soit en contrepoint. Les confusions présentes
lors de la première séance disparaissent :
le malade qui avait mangé la peinture, la confondant
avec le légume, fait bien la différence entre
les deux matières.
Un intérêt nait dans le groupe de par la présence
d’objets ou de personnages apparus sur la toile au cours
de l’atelier, qui évoquent des souvenirs, parfois
même des projets.
Soudain l’envie de chanter ensemble se fait jour, avec
force, et crée une cohésion de groupe avant de
laisser place au doute: ces personnages sur la toile étaient-ils
des gens connus ??? La tension est alors à son comble
et une dame, bouleversée par ce que produit son pinceau,
tombe évanouie sur la table, ne pouvant plus contenir
les émotions qui l’envahissent. Se serait-elle
souvenue de quelque chose de fort et d’heureux ?
Son sourire complice, qu’elle fait partager aux autres
lorsqu’elle redresse la tête, semble le faire penser.
Il ressort de ces ateliers un accroissement réel de la
vigilance dans l’instant T, capable parfois de se poursuivre
en rendant plus clair le sens à donner au travail réalisé.